Ces derniers ont une double utilité, car ils permettent d’accroître la performance des hôtels et présentent de nouvelles opportunités pour des interactions sensorielles pouvant révolutionner l’expérience du consommateur.
Face à ce constat, nous avons mené une étude visant à identifier les effets de l’utilisation des objets connectés dans les hôtels haut de gamme (4-5 étoiles) sur l’expérience des clients.
Nos résultats indiquent que la stimulation des sens des clients (toucher, odorat, audition, vue et goût) grâce à l’usage des objets connectés peut influencer leurs émotions et plus généralement leur état de bien-être.
Séduire par les sens
Les hôtels haut de gamme ont généralement recours à deux types de technologies : celles qui servent à accroître l’efficacité de l’hôtel et la qualité de ses processus, comme les applications qui renseignent sur les préférences des clients, lors de la réservation, et celles utilisées pour améliorer l’expérience digitale des clients, c’est-à-dire la perception et l’interaction personnelle avec le service digital qui est fourni et qu’un client peut vivre durant son séjour. Il peut s’agir de l’ambiance de la chambre d’hôtel, sur le plan de la musique ou sur le plan de la lumière.
C’est cette deuxième application, associée à la mise en place d’une stratégie de marketing sensoriel qui nous intéresse ici.
Le marketing sensoriel est une déclinaison du marketing qui vise à créer du lien entre une marque et ses clients grâce à la sollicitation des cinq sens. Cette approche se fonde sur le modèle S-O-R (stimuli-organisme-réponse) développé par des chercheurs en 1974 : les variables originaires des cinq sens (les stimuli) sont perçues par le client (son organisme) et ont un impact sur son attitude, son apprentissage, et son comportement (la réponse).
Ainsi, à l’aune de ces travaux, nous suggérons que le toucher, l’odorat, l’ouïe, la vue et le goût, stimulés par les objets connectés au sein des hôtels, influencent positivement la valeur émotionnelle du client, son expérience affective mais aussi son bien-être au sein d’un lieu physique (la chambre, le hall, le restaurant de l’hôtel, etc.).
Toutefois, c’est la vision globale que se font les clients de l’environnement qui compte, avant de prêter attention aux détails. À cause de la perception globale des services par les consommateurs, les stimuli utilisés dans une stratégie de marketing sensoriel doivent assurer une évaluation positive par les consommateurs de l’environnement.
Face à cet enjeu, les objets connectés offrent de nombreuses solutions.
Les managers d’hôtels 4-5 étoiles interrogées dans le cadre de notre étude sont dans l’ensemble assez favorables à l’utilisation et la mise à disposition d’objets connectés, disant par exemple qu’ils pourraient améliorer l’expérience client, « ça pourrait être quelque chose d’utile », car « aujourd’hui l’expérience client est un challenge pour les hôteliers » qui doivent être capables « de se différencier et de surprendre le client".
Des outils à manier avec subtilité
Si les résultats de notre étude suggèrent que les cinq sens peuvent bien être stimulés par les objets connectés, une analyse plus détaillée permet d’identifier des différences d’impact selon les sens ainsi que des écarts de perception entre hommes et femmes.
En effet, les résultats de notre sondage en ligne auprès de 357 clients d’hôtels 4-5 étoiles révèlent que l’expérience affective est positivement influencée par le toucher, l’ouïe et la vue. Dans le même temps, l’état de bien-être est positivement impacté par l’odorat et le goût (deux sens chimiques plus difficiles à étudier).
Par ailleurs, l’impact d’un stimuli peut être amplifié par un autre. Par exemple, les expériences de réalité virtuelle (stimulation de la vue) peuvent être amplifiées avec la diffusion d’odeurs, de même que les images des plats servis dans le restaurant de l’hôtel peuvent être accommodées avec des odeurs cohérentes avec ces derniers.
Par ailleurs, nos résultats confirment ceux de la recherche en neurosciences montrant que l’odorat, le goût et la mémoire sont connectés les uns aux autres dans le cerveau.
Les sens sont donc plus efficaces pour influencer l’humeur et la mémoire du client et par extension leur satisfaction et leur fidélité envers la marque d’hôtel.
Les résultats de l’enquête montrent aussi que l’odorat a un impact plus fort sur le bien-être chez les femmes. Cela confirme les conclusions d’autres travaux montrant que les femmes restent plus sensibles aux odeurs et peuvent mieux distinguer et catégoriser celles-ci. Les managers peuvent ainsi appliquer des odeurs grâce aux objets connectés avec des intensités plus basses ou même différentes odeurs en direction d’une clientèle féminine vis-à-vis des clients masculins.
Les hôtels de prestige ont donc entre les mains de nombreux outils pour faire vivre des expériences multisensorielles surprenantes, séduisantes mais aussi personnalisées à leurs clients. Cela passe notamment par la création d’univers uniques et originaux dans différentes pièces et suites grâce aux objets connectés. Par exemple, les mécanismes de gamification peuvent conduire à un engagement client accru, comme certains hôtels l’ont montré en offrant des salles dédiées aux joueurs, leur permettant d’accéder à des ambiances très immersives.
Avec la crise, clients et hôteliers ont tendance à focaliser leur attention sur la sécurité et la précaution. Mais dans le contexte morose actuel, l’industrie hôtelière de prestige a une vraie carte à jouer pour intéresser de nouveaux marchés de niches et faire vivre des instants de bonheur intenses et inoubliables à ses clients.
Cette contribution s’appuie sur l’article de recherche de Jean-Éric Pelet, Erhard Lick et Basma Taieb intitulé « The Internet of things in upscale hotels : its impact on guests’ sensory experiences and behavior » disponible dans la revue « International Journal of Contemporary Hospitality Management ».
Jean-Eric Pelet, Enseignant vacataire en marketing et systèmes di'information, EBS Paris ; Basma Taieb, Enseignante-chercheuse en marketing digital , Pôle Léonard de Vinci – UGEI et Erhard Lick, Associate Professor of Marketing, Communication & Business Sales, ESCE International Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.